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À propos de sa peinture…

 

L’interview commence assez solennellement, je suis assise en face du peintre, ma série de questions sur les genoux, encerclée par ses toiles comme par autant de soldats obéissants.

Muet, il attend sagement les questions… Je me lance, lui demande de me raconter cette nouvelle aventure si différente des antérieures et d’un seul coup, la métamorphose opère, le petit bonhomme sage et tout discret se redresse, s’anime avec passion, commence par me parler de Hubble en 1990, Kepler en 2009, Tess en avril 2018, prodigieux télescopes lancés par l’agence spatiale américaine et bientôt James Webb en 2020, qui partira afin de scanner les exoplanètes hors de notre système solaire et sera capable de « sonder les structures mystérieuses et les origines de notre Univers »…

Eric est intarissable.

Quelles images nous renverront-ils ?

Quelques pixels qui pourraient paraître à nos yeux incultes bien peu de choses et qui pourtant, renfermeront des trésors d’informations.

Ce qui paraît peu est en fait infini.

64 pixels renferment au moins autant de possibilités rien qu’au niveau de leur disposition, qu’il y a d’atomes dans l’Univers.

Eric, vous l’aurez compris, se passionne également pour l’Astrophysique, un langage fait de chiffres et de calculs qui le fascinent.

Il me montre une maquette de l’ISS (International Space Station) qu’il a entièrement réalisée afin, dit-il, de mieux se rendre compte.

 

Cette nouvelle étude a commencé sur des toiles compartimentées en 49 pixels pour ensuite évoluer et se stabiliser au nombre de 100 pixels.

Ce ne sont pas juste de petits carrés mis les uns à côté des autres, la manière dont ils sont mis, dont ils sont organisés peut donner un tas d’information au cerveau qui recrée une image, une impression. 

Le cerveau interprète tout, il cherche à mettre du sens partout, même là où il n’y en a pas.

L’image formée au fond de l’œil est analysée point par point avant d’être transmise au cerveau en signaux codés.

 

Tout comme l’homme dont la vie n’est qu’un exercice de structuration, le cerveau structure son environnement en permanence en transformant les informations fournies par la rétine en objets connus.

En combinant ses pixels « dans l’ordre qu’il faut », le peintre s’amuse aussi à nous proposer des illusions d’optique (paréidolies), il stimule notre cerveau à trouver du sens et des formes par l’assimilation de couleurs soi-disant aléatoires à des couleurs référencées.

 

Sa démarche est très élaborée et nécessite plusieurs interventions informatiques, la première lui permettant de décomposer les images ou les choses existantes choisies, au niveau de la couleur, en chiffres allant de 0 à 255.

 

Il code ensuite les couleurs au format RVB (Rouge-Vert-Bleu) mais aussi CMJN (Cyan-Majenta-Jaune-Noir) et TSL (Teinte-Saturation-Luminosité)

Ces informations sont ensuite retranscrites de manière à lui permettre de réorganiser les pixels en les remettant dans l’ordre qu’il faut tout en connaissant leur exacte composition.

Eric n’utilise plus que 3 couleurs ; le cyan, le magenta et le jaune.

 

Cette réorganisation peut se faire de 2 manières : 

Les possibilités sont vertigineuses mais l’harmonie finalement, ne laisse que très peu de choix, me dit-il alors après l’avoir expérimenté et vérifié.

 

L’ordre est scrupuleusement respecté lorsqu’il s’agit de portraits ou de tableaux anciens, et on retrouve là toute l’humilité du peintre, l’exercice consiste alors à dompter la magie de la couleur et de la lumière.

Par contre, dans ses nouveaux tableaux, le peintre choisit de réorganiser les couleurs en leur donnant des rythmes différents de l’image qu’ils sont, dans certaines conditions définies par lui-même, tout à fait aléatoires, ou alors à base de formules mathématiques décidées par lui.

Il en essaie plusieurs jusqu’à obtenir un résultat qui le satisfait.

Il aime alors à citer Einstein qui voulait que ses formules mathématiques soient élégantes, qui disait qu’une formule mathématique doit être simple et belle.

 

Il se lève, cherche une de ses toiles et me dit : « en voici une qui me satisfait, je la trouve simple et belle »

 

Florence Swaters

Août 2018

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